Monologues

Goux Mathieu

2011

Texte sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0, lien).


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1

Une chaise, un homme (ou une femme) assis(e) ou debout, cela n’a aucune importance.
Ou faites comme vous voulez, je m’en fous un peu.
Vais-je me fondre dans un hymne officiel ? Je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas. Je ne sais même pas si je dois dire ça à haute voix ou non. Cela me paraît étrange. Trop étrange. Continuons malgré tout. Je ne sais même pas ce que je suis en train de regarder. Je ne sais même pas si cela doit être regardé. Continuons de le faire malgré tout. Il vaut mieux continuer. Je n’ai rien à faire de toutes façons. Je pourrais faire quelque chose cependant. Comme apprendre une nouvelle langue, ou bien voyager un peu. Mais cela m’ennuierait davantage encore que de continuer. Quand est-ce que j’aurai enfin la paix. Quand je pense à la journée que j’ai eu. Encore et encore. Encore et encore. Refaire, encore et encore. Être d’accord, encore et encore. Et me plaindre pour ça. Et ne pas me plaindre pour ça. Et être comme les autres à cet instant précis, et vouloir ne pas être comme les autres à cet instant précis. Continuer malgré tout à l’être en souhaitant ne plus l’être, continuer malgré tout à souhaiter ne pas l’être tout en continuant à l’être. Vouloir la sécurité d’un succès facile en faisant croire qu’on le rejette, paraître plus malin que les autres nous pensent, ne pas l’être réellement ou l’être finalement. Lancer des regards suffisants, en recevoir et s’en offusquer sans pour autant le dire sans pour autant le dire sans pour autant le montrer. En savoir plus qu’on ne le pense et tout oublier encore une fois. Croire lire des segments alors qu’il n’y en a aucun, cacher tout de ses intentions et continuer à le cacher tout en le montrant mais sans le cacher. Croire et respirer, et se rendre compte de sa respiration, de la position de sa langue dans sa bouche, des morceaux de peau qui sont en contact avec nos vêtements à cet instant précis, bouger la main le faire ou non et s’en rendre compte dire que l’on s’en rend compte sans le savoir et dire tout cela sans respirer ou non c’est selon pourquoi le faire. Penser que tout ce que l’on fait a un sens véritable ou un sens quelconque et être convaincu de cela jusqu’à faire semblant de bien le faire dire que l’on joue un rôle en sachant que l’on joue un rôle en faisant croire que l’on ne joue pas un rôle et prétendre que ça a du sens ou que c’est intelligent. Est-ce pour autant intelligent, suis-je convaincu ou est-ce que je me convaincs moi-même. Est-ce que. Est-ce que. Vais-je. Faire croire que c’est sensé. Faire croire que c’est moderne. Faire croire que c’est. Faire croire que cela n’est pas. Laisser les autres penser ce qu’ils veulent, les convaincre qu’ils ont raison, leur dire qu’ils ont tort et qu’ils ont raison d’avoir tort. Continuer à jouer des mécaniques et à être moderne, ne surtout pas stopper car s’ils arrêtent d’écouter ils auront tort et ne pourront plus critiquer. Continuer de les noyer sous un flot.
Respirer.
Les vêtements sur la peau.
Maintenant.
Noir.

2

1

Un homme ou une femme, le (la) même ou non, je m’en fous.
Vais-je me fondre dans un hymne officiel ? Je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas. Arrêter de prendre les gens pour des cons en faisant comme les autres, faire passer du conformisme pour de l’anti-conformisme et l’anti-conformisme comme une nécessité, faire passer les critiques pour des idiots car on l’aura dit et les coincer car ils ne pourront plus rien dire, ou bien le faire croire et parce qu’on l’aura affirmé arriver à dire une chose et son contraire sans jamais que la vérité même ne soit atteinte. Continuer de dire que l’on cherche la vérité. Continuer de dire que l’on cherche la vérité. Continuer que l’on cherche la vérité. Le répéter. Le dissimuler. Aller contre toutes les idées, car elles se valent toutes. Il n’y a pas de sous-culture, il n’y a pas de génie. Le pouvoir de la science. Le pouvoir de l’art. Le pouvoir de la télévision. Le pouvoir de la bande dessinée. Le pouvoir de l’Internet, le pouvoir des mots, le pouvoir du silence, le pouvoir des armes, le pouvoir de la démocratie, le pouvoir de l’Europe, le pouvoir du temps, le pouvoir des études, le pouvoir de l’argent, le pouvoir de l’argent, le pouvoir de l’argent, le pouvoir du temps, le pouvoir des paroles, le pouvoir des maux, le pouvoir de la poésie, le pouvoir de la musique, le pouvoir du pouvoir, le pouvoir du classement. Se rendre compte de l’existence du pouvoir, continuer à en parler, dire qu’être au courant de l’existence du pouvoir est une forme de pouvoir et ne pas le croire, croire qu’eêtre au courant de l’existence du pouvoir est une forme de pouvoir et le dire. Comprendre que le pouvoir est une forme de pouvoir même si le pouvoir sera jamais inaccessible. Faire croire qu’il faut penser ici à l’art en tant que pouvoir et élaguer la question.

Noir.

2

Noir. Je ne veux pas je ne veux pas je ne veux pas. Quelle absence. Quelle absence. Remarquer une absence et la remplir en faire une presence et continuer sur du gibberish non-sense non-sense non-sense. Considérer un thème quelconque, le dire. Tout le monde a compris ? Continuer là-dessus, je ne suis pas d’accord. J’ai des dizaines d’arguments classés, ordonnés, réfléchis, remis, réagencés, réimprimés, reformulés, mais je préfère hurler.
Hurler.
Hurler est la première forme d’argumentation, première forme de pouvoir, première forme de conviction, première forme première forme première forme. Tout est cri. Tout est hurlement. Un humoriste anglais considérait que le cri natal était un cri d’existentialisme.
Hurler.
Pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi. L’art comme cri. Non. La peinture comme cri. Non. La sculpture comme cri. Non. La Littérature comme cri. Peut-être. La poésie comme cri. Non. Le roman comme cri. Non. Le théâtre comme cri. Peut-être. Peut-être. Pas tout. Pas tout. Un cri. Doit-il être construit. Doit-il être compréhensible.
Crier.
Est-ce que crier. Est-ce que hurler. Est-ce que décrire. Est-ce que décrier. Cri. Cri. Cri. Cri.

3

Théâtre théâtre théâtre théâtre théâtre. T’es âtre. T’es acre. Question normale question normale pourquoi le théâtre. Pourquoi pas le roman le poème la nouvelle la fable le chant la ballade l’autobiographie la biographie les mémoires le pamphlet l’essai le polar le sonnet l’ode l’hymne la notice le blason le portrait le salon. Mais. Le théâtre. Le théâtre. La putain. La putain de la. La putain de la. La putain de la. Comme si. Proximité. Silence. Imposition. Nécessité. Jouer sur la gêne de rester assis car on se fait remarquer si on s’en va mais s’en aller meilleure forme d’exercice de libre-arbitre meilleure forme d’exercice de volonté propre se laisser imposer quoi pourquoi se laisser imposer ce qu’on entend et ne pas vouloir faire la différence entre ce qu’on aime et ce qu’on écoute écouter ce qu’on aime plutôt qu’aimer ce qu’on écoute. Se taire se taire se taire se taire toujours se taire. Parler parler parler parler toujours parler. Et au théâtre faire les deux mais ne choisir ni l’un ni l’autre que l’on soit moi ou l’autre que l’on soit dans ou sur la salle que l’on soit sur dans sous. Je dis le texte sans l’écouter je le dis car il faut le dire. Vous l’écoutez car vous devez l’écouter et vous devez vous taire même si je vous dis de parler vous ne parlerez pas.
Parlez.
Parlez.
Parlez.
Le pouvoir du théâtre sur le roman la nouvelle la poésie le pamphlet. Le silence. Cruauté. Forme du débat qui conduit au silence par logorhée. Nécessité sociale mon œil mon œil mon cul l’œil du cul. Portée symbolique mon œil mon œil. Doit-on aimer ce qu’on fait toujours. Qui aime ce qu’il fait. Même les mots s’ennuient parfois et prennent des formes qu’ils ne désirent pas. Même les mots souvent s’ennuient et forment des désirs qu’ils ne veulent pas. Le choix de parler, le choix de se taire, le choix de ne pas n’écouter. Je ne vous en veux pas. Devrais-je ?

4

Nous voulons tous raconter des histoires. Vraies. Fausses. Qui pourraient être vraies. Qui seront sans doute fausses. Ce besoin de raconter des histoires. Le langage raconte-t-il toujours des histoires. Le langage doit-il toujours raconter des histoires. Créer des histoires. Même si les mots se suivent et se ressemblent ressemblent ressemblent semblent semblent amble une histoire se fait. Libre-arbitre. Pas par le langage.